Je ne suis pas resté longtemps en Croatie, pour plusieurs raisons. La météo n'était pas des plus clémente, c'est certain, et je dois bien avouer : le fait que la police ait interféré entre mes hôtes et moi-même fut un autre facteur. Mais ce n'est pas tout.
Je suppose que parfois, lorsqu'on voyage, certains endroits, certains pays qui vous sont hautement recommandés par les guides et les personnes que vous rencontrez n'ont dans la pratique que peu d'effet sur vous, et á l'opposé il est possible de trouver des temps et des lieux propices á vos divagations de voyageur (plus ou moins excentriques) par un hasard plus ou moins grand, et ce indépendamment d'un quelconque aspect esthétique ou pratique.
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Le Théâtre National de Zagreb |
Je n'ai pas trouvé en Zagreb réelle raison de m'attarder, malgré l'intérêt évident qu'on peu porter á cette ville. Quelque chose, assez difficilement définissable, m'a fait quitter la ville rapidement, et par force en suivant ma route vers le Sud-Est, m'a fait quitter le pays beaucoup plus promptement que prévu.
Et ce n'est probablement pas la raison principale, mais peut-être dois-je mentionner les deux généraux libérés. A mon arrivée á Zagreb l'histoire, ou peut-être l'Histoire, était sur toutes les lèvres, dans toutes les discussions.
Je vais essayer de faire court même si c'est très difficile. Et moyen rigolo.
Une des guerres principales lorsque l'on fait référence aux "guerres des Balkans" (terme bien vague et vide de sens) est celle entre la Croatie et la Serbie, entre 91 et 95.
Dans les années 90 la Yougoslavie explose donc lors des demandes d'indépendance des différentes nations de la fédération.
En Juin 1991 la Slovénie et la Croatie déclarent leur souverainetés respectives.
La Serbie, dirigée á l'époque par le tristement célèbre Slobodan Milošević, ne reconnaît pas cet état de fait et dans une volonté de préservation de l'unité fédérale (menée également par une volonté nationaliste et expansionniste forte) attaque les pays séparatistes.
La guerre contre la Slovénie fut très courte et je me concentrerai ici sur le conflit Serbo-Croate.
Les forces volontaires Serbes présentent sur le territoire Croate (une forte "diaspora" Serbe s'étant effectuée au fils des siècles) ainsi que les reste de l'armée Yougoslave, la JNA (la majeur partie de ses forces aillant prêté allégeance á la Serbie puisque celle-ci était le centre décisionnaire et militaire de la Yougoslavie) ne reconnaissent absolument pas les désirs d'indépendances et se mettent á combattre les forces nationales Croates, le but tactique étant de conquérir les territoires Croates á plus ou moins forte minorité Serbe, et le but politique visant á mettre fin aux volontés séparatistes par une intervention militaire forte.
Bombardements, affrontements directs, attaques contre les populations civiles, etc... : la guerre dans sa plus pure essence.
En Janvier 92, les deux parties sont dans l'impasse puisque aucune avancée notable de la situation ne voit le jour. Un cessez-le-feu est déclaré. La RSK, république Serbe de Krajine, auto-proclamée peu de temps avant cette date, possède 1/4 du territoire Croate actuel, dans les zones proches des frontières Bosniaques et Serbes.
De la date du cessez-le-feu á la fin du conflit, le 12 Novembre 1995, les affrontements se feront de manières plus sporadiques (sous la "surveillance" des Casques Bleus... assistants aux tensions plus que palpables entre les populations) pour finalement s'achever avec deux opérations militaires majeures de l'armée Croate, les opérations Eclair et Tempête qui mirent un terme á l'existence de la RSK en "déplaçant" de force les populations Serbes présentent sur le territoire... notez les guillemets, j'ai entendu tellement de sons de cloches différents...
Les estimations des pertes varient énormément selon les sources, mais est fixé á 20 000 morts pour les 2 camps. S'ajoutent plus de 300 000 réfugiés aillant plus ou moins volontairement fui les zones d'affrontements, des destructions matérielles énormes sur le territoire Croate (la ville de Vukovar, par exemple, proche de la frontière Serbe, fut totalement dévastée) et l'effondrement évident des économies des pays belligérants (ça coûte cher de détruire et de tuer), on comprend que l'impact du conflit, encore aujourd'hui, peut se faire ressentir dans la rue et dans les conversations...
De terribles choses se sont passées. Et quand tant de souffrance est produite, le pardon est une notion parfois difficile á aborder et á construire.
Mais dans l'immense majorité que j'ai rencontré les gens de ma génération sont fatigués et veulent passer á autre chose, dans les mentalités et dans les relations avec les autres pays. Tous reconnaissent l'ineptie d'un tel conflit, qu'ils soient Serbes ou Croates.
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Stigmates encore visibles dans la ville Croate d'Osijek |
Je ne parlerai pas de la guerre de Bosnie. Ni même de celle du Kosovo. Parce que moi aussi je suis fatigué je crois. Et s'il est important de discuter et d'apprendre ce qui s'est passé, il est aussi bon de savoir faire table rase de la gravité passée pour profiter de l'instant présent.
Pourquoi je parle de tout ça maintenant ? Le 16 Novembre le Tribunal International a donc relâché Ante Gotovina et Mladen Markac, deux généraux en partie en charge des opérations Eclair et Tempête. Ce que j'ai vu : des drapeaux croates agités frénétiquement, des hommes en treillis se congratulant dans la rue, les photos des généraux avec le mot "héros" PARTOUT (absolument partout), des cérémonies religieuses á la gloire des militaires et les médias relayant le tout avec assiduité.
Criminels de guerre, héros de l'indépendance, militaires exécutant les ordres, je dois bien avouer que l'étiquette qu'on leur colle m'importe peu. Qui suis-je pour savoir ce qu'ils ont fait ou pas.
Je sais juste que le cocktail "nationalisme-militarisme-religion-médias" est un de ceux qui a le plus nuit aux hommes depuis bien longtemps.
Allez, promis, je parle de choses plus légeres á partir de maintenant.
Prochaine étape : la Serbie. Et j'ai pas oublié, l'article sur la gastronomie des Balkans arrive !